A propos du collectif CRISE


Le plus sot s’instruit par l’évènement.
Homère

Ne pas prévoir, c’est déjà gémir.
Gonzague Saint-Bris

Collectif arthropodes Ravageurs et rIsque phytoSanitairE

De nombreux organismes sont responsables de dégâts sur les plantes cultivées ou les forêts. Ils consomment les feuilles, attaquent les racines, piquent les plantes et peuvent également transmettre des maladies. Dans certains cas, ces dégâts ont d’énormes conséquences écologiques, économiques ou les deux. Nous étudions certaines de ces espèces et portons un intérêt particulier aux organismes exotiques envahissants. Une invasion biologique est difficile à anticiper et dans la majorité des cas, les autorités sanitaires sont prises au dépourvu lorsque l’on s’aperçoit qu’une espèce inconnue jusqu’alors est arrivée, a réussi à s’installer et commence à poser des problèmes.

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Si les problèmes sont importants ou menacent de le devenir, on entre dans ce que l’on appelle une crise sanitaire. Dans le monde de la santé des plantes, la découverte de la bactérie Xylella fastidiosa en Italie en 2013 puis en France en 2015 a provoqué une telle crise à l’échelle de l’Europe. Le lecteur pourra consulter l’ouvrage intitulé « Crises sanitaires en agriculture : Les espèces invasives sous surveillance » publié récemment aux éditions Quae dans lequel le sujet est traité en profondeur. S’il est difficile d’identifier à l’avance les espèces d’arthropodes ou de pathogènes qui seront demain les agents déclencheurs de crises sanitaires, on peut néanmoins se préparer à l’arrivée probable des espèces qui posent déjà d’importants problèmes dans d’autres régions du monde. C’est ce que l’on appelle en Anglais la preparedness et en français la préparation au pire. Elle revêt différents aspects et inclut des composantes sociologiques, organisationnelles, éducatives, politiques et naturellement biologiques. L’anticipation et la préparation aux crises sanitaires sont des éléments clefs d’une gestion efficace de la santé des plantes.

Dans ce contexte, quel est le rôle des biologistes ? Notre collectif développe des connaissances biologiques et systématiques (taxonomiques) sur différents groupes d’insectes ravageurs. Gérer une espèce d’importance agronomique c’est tout d’abord être en mesure de l’identifier correctement ! Cette tâche est difficile lorsque l’on a affaire à des espèces exotiques non présentes en France. En cas d’invasion biologique, la détection précoce est importante car l’éradication des espèces envahissantes n’a de chance d’être réalisée qu’à la condition de réagir très rapidement, avant que des populations importantes ne se développent. De ce point de vue, la préparation repose sur des collections de spécimens bien organisées, des fiches de reconnaissance claires destinées aux autorités phytosanitaires ainsi que des bases de données génétiques de type barcode qui permettent l’identification des spécimens sur des bases moléculaires. Ce dernier aspect est très important car il permet l’identification par des personnes non spécialisées dans la taxonomie du groupe zoologique considéré et offre également l’avantage de pouvoir traiter des larves ou même des œufs qui sont des formes pour lesquelles l’identification sur des critères morphologiques est parfois impossible. Le lecteur trouvera une présentation de la base de données Arthemis DB@se sur ce site (menu Arthemis).

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La punaise diabolique
Halyomorpha halys

Lorsqu’une invasion biologique se produit, il est important de suivre l’évolution de la situation et d’être en mesure de faire le point sur l’expansion de la distribution géographique. Connaître la distribution géographique permet de mettre en place des campagnes d’information et de prendre des mesures permettant de contrôler l’espèce. Les sciences participatives jouent alors un rôle très intéressant. Si l’espèce considérée est aisément reconnaissable sur la base de photographies, un citoyen peut signaler sa présence à un endroit donné et ce signalement peut ensuite être validé par un spécialiste. L’information devient alors utilisable pour les scientifiques et les gestionnaires. Nous nous intéressons aux sciences participatives dans le cadre des invasions biologiques depuis plusieurs années et avons développé différentes applications smartphone et outils dédiés sur la plateforme INRAE AGIIR permettant de signaler des espèces envahissantes comme la punaise diabolique Halyomorpha halys). La détection précoce de nouveaux envahisseurs peut bénéficier des sciences participatives et c’est pour cette raison que nous avons préparé des outils pour plusieurs insectes non présents en France mais représentant une menace sérieuse. C’est le cas du fulgore tacheté Lycorma delicatula ainsi que du scarabée japonais (Popillia japonica) ou le longicorne à col rouge (Aromia bungii). Une présentation de ces espèces, des outils que nous mettons en place et des résultats obtenus est disponible sur ce site (menu AGIIR).

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Être en mesure d’identifier rapidement et de façon fiable les espèces envahissantes et pouvoir suivre les invasions biologiques sont des éléments importants de la préparation aux crises sanitaires. Ces outils peuvent être complétés par les apports de la modélisation des aires de distribution. Il s’agit de modèles statistiques permettant de relier des données environnementales telles que des données climatiques aux occurrences des espèces que nous étudions. De tels modèles permettent d’identifier les aires géographiques pour lesquelles le climat est propice à telle ou telle espèce de ravageur, même si celle-ci n’est pas présente en Europe. On comprend l’intérêt de ces modèles pour organiser la surveillance du territoire et identifier les régions particulièrement menacées. Si l’on utilise les modèles établis sur la base des données climatiques actuelles avec des données reflétant les climats du futur, il devient possible d’anticiper l’évolution des zones menacées et donc ce que l’on appelle la géographie du risque.

Le Collectif arthropodes Ravageurs et rIsque phytoSanitairE a été formé afin d’aborder ces questions pour certains modèles biologiques d’importance agronomique. CRISE regroupe des scientifiques INRAE (Jean-Pierre Rossi, Jean-Claude Streito, Eric Pierre et Guénaëlle Genson) et utilise des sciences participatives, maintiennent la base de données Arthemis DB@se rassemblant des données sur des centaines d’espèces de ravageurs et développent des modèles d’aire de distribution permettant d’évaluer l’expansion possible des espèces envahissantes.

Références

Lannou, C., Rasplus, J.-Y., Soubeyrand, S., Gautier, M., Rossi, J.-P., 2023. Crises sanitaires en agriculture : Les espèces invasives sous surveillance. Editions Quae.


Jean-Pierre Rossi, 19 septembre 2024